Ils sont encore adolescents et ils s’offrent pour de l’argent. Ce mercredi soir, France 5 diffuse «Jeunesse a vendre» pour expliquer ces «passages a l’acte», facilites par les reseaux sociaux. Comme Sarah, une jeune nicoise de 16 ans.
Un regard, un sourire craintif. La porte de son studio a peine entrouverte, elle lache : « Il n’y a pas d’age pour foutre sa vie en l’air »
Sur son annonce, Sarah – c’est son vrai prenom, mais pas celui qu’elle donne a ses clients – dit avoir 20 ans. En verite, elle en a 16. Elle referme la porte doucement. Piece toute petite… Rendue plus petite encore a cause d’un immense lit envahi de coussins et qui ne laisse guere de place pour le reste. A peine un fauteuil rose coince entre un mur et une minuscule fenetre. Les volets sont fermes. « Je ne les ouvre jamais ». Son 24 m2 est dissimule derriere l’avenue Jean-Medecin a Nice. Le c?ur de ville. Avec vis-a-vis.
Presque une lyceenne lambda
Sur ses talons noirs, pas si vertigineux, dans son pantalon noir, moulant mais pas trop, dans sa chemise en jean toute simple, Sarah est une jeune fille banale, a peine plus appretee qu’une lyceenne lambda.
Elle s’essuie les yeux : « Je me remaquille toute la journee sans me demaquiller, c’est un peu le chantier ».
Sarah a pose sur la table un paquet de chips, deux verres et une bouteille de vin blanc. « c a vous dit de boire un verre ? ». Voix fluette et peu assuree. La jeune fille a hesite longtemps avant de temoigner. « En fait, ca va me faire du bien, car je n’en parle avec personne sauf avec ma cousine », avait-elle fini par repondre.
Depuis ses 14 ans, Sarah se prostitue. Elle ne prononcera jamais ce mot. Depuis un an elle s’est meme organisee et depose des annonces sur des sites internet. Pourtant, pour ses parents, elle est une etudiante « normale ».
« Ils habitent a Saint-Roch. Je vis encore chez eux. Et la journee je suis ici. Ils croient que je suis en CAP coiffure a Carros. »
Pratique, dit-elle. « Comme c’est loin, je peux rentrer chez mes parents vers 20 h, 20 h 30 sans qu’ils se doutent de quelque chose ».
« 400 euros par jour Parfois moins »
Toute sa journee, Sarah la passe dans ce studio que sa cousine, qui vend son corps comme elle, a loue a son nom. « Elle a 26 ans. C’est elle qui m’a explique comment m’organiser ». « Il m’arrive de me faire 400 euros par jour. Parfois moins. Je pourrais me faire beaucoup plus. »
Sa vie est reglee comme une horloge. « Je pars de chez mes parents a 7 h et j’arrive au studio. Je redors jusqu’a midi, car la nuit je n’y arrive pas. » Sarah est accro aux reseaux sociaux. Et aux videos sur YouTube. Elle sourit en touchant ses cheveux – « des extensions » – «Je regarde des tutos coiffures. Comme ca, je peux coiffer ma mere et mes deux s?urs et elles n’y voient que du feu. Elles croient que je suis une pro. »
« Honte ? Non »
Il est 21 h 30. Du bruit dans le couloir de l’immeuble. Des cris… Alors, non, elle n’a pas peur du regard des voisins. Elle hausse les epaules : « C’est un immeuble de cas sociaux. En face, c’est un drogue qui capte rien. A cote c’est une fille qui doit faire comme moi. En dessous deux vieux. En haut je ne sais pas. Ici tout le monde s’en balance. Vous avez vu l’etat des parties communes ?», lache-t-elle, en finissant son verre de blanc.
Elle a envie de parler. Mais hesite. Par quoi commencer ? Par ca : « Un jour je me suis fait un peu peur quand meme. Le client est venu avec trois copains. J’ai du accepter que les trois regardent, j’avais trop la trouille que cela connexion three day rule degenere. Les autres m’ont pas touchee. » Elle bouge nerveusement ses jambes : « Je ne ferai pas ca toute ma vie, c’est sur ». « J’ai des economies. Quand j’arrive a la somme que je me suis fixee, j’arrete tout et je pars m’installer aux Etats-Unis », reve-t-elle.
Sarah n’a pas de petit copain : « Trouve un mec qui accepte ce que je fais. » Elle rit, mais pas franchement. Et elle n’a plus vraiment d’amis non plus. « Pas grave j’ai ma cousine et ses copines. Et le week-end je suis chez moi avec mes parents et mes s?urs, ca fait du bien. »
Elle avoue avoir la hantise que sa famille apprenne un jour. « Je ne veux pas y penser. J’improviserais. »
Sarah se laisse aller : « J’ai commence dans les toilettes d’un snack pres du college. J’etais en quatrieme. Des pipes. C’etait cool, je me faisais 50 euros parfois par semaine. Je voyais pas le mal en fait. J’etais meme pas une ado a problemes. Je bossais bien a l’ecole. Une fille normale quoi. Mes parents n’ont pas de ble, alors moi j’avais l’impression d’en avoir », murmure la jeune fille, en triturant un coussin dore.
« J’avais compris ce qu’elle faisait, meme si pour toute la famille elle est femme de chambre dans un hotel. »
« Elle a compris que comme elle, coucher, ca ne me derangeait pas. Je fais ca comme si je vendais du parfum dans une boutique. Je gagne plus c’est tout. » La honte ? « Non. J’aurai honte seulement si ma famille l’apprend. »